Résumé
En 1954, Luciano Emmer filme Pablo Picasso dans son atelier à Vallauris puis dans la chapelle où l'artiste va réaliser 'La Guerre et la Paix'.
Avis
Pablo Picasso a été le sujet de nombreux films et s’est souvent prêté, de son vivant, au jeu de la caméra. Mais il n’existe que peu de films, dont celui de Luciano Emmer tourné en 1954, à être à la hauteur de cet artiste multiforme et à contenir des documents irremplaçables. C’est à partir de son atelier de Vallauris où Emmer le filme, que va être détaillé son parcours, notamment sous l’angle de l’influence que les grands drames du 20e siècle (les deux guerres mondiales) ont eu sur son œuvre. En effet, une grande exposition venait d’avoir lieu en Italie (Rome et Milan) en 1953, avec l’ensemble des œuvres politiques ('Guernica', 1937 ; 'Le Charnier', 1945 ; 'Massacre en Corée', 1951). On proposa à cette occasion à Luciano Emmer de réaliser un film sur le peintre et le réalisateur accepta à la condition de rencontrer Picasso.
Il le filme donc dans son atelier en train de réaliser des céramiques et des décors d’assiettes en porcelaine. Surtout, il tourne une longue séquence dans la chapelle de Vallauris où l’on voit l’artiste dessiner au fusain (notamment une colombe) sur des panneaux blancs installés sur les murs. Ce sont les esquisses de 'La Guerre et la Paix', œuvre qui lui a été commandée et qu’on peut voir aujourd’hui dans cette chapelle. Ces premiers dessins qu’Emmer a filmés ont été effacés le lendemain par des ouvriers, croyant qu’il ne s’agissait là que d’essais.
La figure de la colombe symbole de la paix a été imaginée par Picasso après la guerre, sous l’égide du Parti Communiste auquel il avait adhéré. Bien que cette figure était déjà présente dans son œuvre depuis que son père lui faisait dessiner des colombes et des pigeons pour l’entraîner.
La première version de ce film sortit en 1954 en France et en Italie (en six parties). "Hélas il y a une chose que je déteste, c’est le commentaire qui était fait par des communistes qui avaient la terreur de donner l’impression d’être communistes. Ils ont fait un texte académique, stupide, qui ne signifie rien, tandis que je voulais faire une chose personnelle de ma rencontre avec Picasso." C’est donc en 2000, peu après avoir réalisé 'Bella di notte', sans doute son film le plus personnel, que Luciano Emmer reprend son 'Picasso' à partir du matériel originel restauré. Il rafraîchit le montage et surtout il écrit un nouveau commentaire et l’enregistre avec sa voix. Comme il le voulait depuis des années, il s’introduit dans le film et en fait quelque chose de beaucoup plus personnel, à la fois rétrospectif (il raconte ses rapports avec Picasso) et fidèle à sa propre vision de l’art, éloignée de l’analyse critique et historique, toujours à la recherche de l’émotion.