Résumé
Fourmillant d’archives visuelles et sonores, 'Paris 1907, la fureur Picasso' se centre sur l'histoire des 'Demoiselles d’Avignon' de Pablo Picasso pour raconter l'émergence d'un génie artistique dans son époque.
Avis
Paris, 1907, la Belle époque. La capitale ruisselle de flonflons, de jupons et des vrombissements des nouvelles automobiles. On s’y enivre d’alcools et de parfums capiteux, de cinéma et de cafés théâtres, de modernité et de vitesse. C’est aussi l’heure où Jean Jaurès harangue les ouvriers contre le capitalisme, où Octave Mirbeau s’insurge contre cette modernité qui rend "sauvage". Là, dans son atelier, un jeune homme de vingt-quatre ans s’enferme pendant six mois pour peindre jour et nuit une toile monumentale qui annoncera un tournant dans l’art moderne, la naissance du cubisme.
'Paris 1907, la fureur Picasso' part des 'Demoiselles d’Avignon', de l’histoire de ce tableau réalisé contre 'La joie de vivre' d'Henri Matisse, pour saisir la modernité fulgurante du jeune peintre. Fourmillant d’images d’époques, d’archives visuelles et sonores, de photographies et de films, le cinéaste raconte ce contexte créatif. 'Les Demoiselles d’Avignon' incarnera une violence inimaginable qui laissera muet Guillaume Apollinaire, stupéfaite Gertrude Stein, sidéré et rageur Henri Matisse lui-même. Le film s’ouvre et se clôt sur cette toile, il y revient perpétuellement, et se construit entièrement autour d’elle. Il est l’histoire de sa fabrication concrète qu’il met en scène en reconstituant (hélas) l’atelier de l’artiste.
En peignant les prostituées des bordels qu’il nommera "les demoiselles", puis à travers l’art africain où il découvrira la magie de la sculpture, faite pour porter l’horreur et exorciser l’effroi humain, Picasso frappe de plein fouet l’hypocrisie bourgeoise. Ce sont toutes les dimensions politiques puis esthétiques du tableau que le réalisateur dévoile dans son récit. Il ne se détourne de la toile que pour y revenir, l’œil chargé de nouveaux savoirs, et chacun de ses détails nous est donné à regarder épaissi encore de signification. Sans jamais s’éloigner de son contexte ni basculer dans le discours théorique, 'Paris 1907, la fureur Picasso' fait converger sur cette œuvre différents faisceaux de sens pour nous permettre d’en mesurer toute la densité, la portée violemment politique, l’esthétique résolument nouvelle. Et finalement, le film de Jean-Loïc Portron raconte ainsi comment peut s’élaborer un regard sur une œuvre d’art.