Résumé
Sur un plateau nu, une danseuse et des danseurs, une chorégraphe et un musicien travaillent ensemble sur les six suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach, cherchant à faire dialoguer les corps et la musique.
Avis
Devant l’instrument, se tient, de face ou de côté, le musicien Jean-Guihen Queyras qui interprète les six suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach, un sommet de l’histoire de la musique occidentale. Trois danseurs et deux danseuses (dont Anne Teresa De Keersmaeker elle-même) se succèdent sur le plateau et donnent vie à cette sublime partition. Au sol, sont tracés des cercles, des lignes droites, des formes géométriques complexes et des spirales en couleur qui sont non seulement des marques pour les danseuses et danseurs mais qui suivent les lignes musicales. Cela montre de manière tangible toute l’architecture élaborée entre mouvement et musique. Pour preuve, ce début de film autour de la table, partitions en main, que le musicien décode avec la chorégraphe et la deuxième danseuse, note après note, clé après clé, mesure après mesure et qu’Anne Teresa patiemment annote. Le travail au cordeau qui est à l’œuvre ici nous montre combien la géométrie tient une place primordiale et qu’il s’agit d’un véritable travail sur les perspectives, une minutieuse occupation de l’espace. Pour autant, il ne s’agit pas d’illustrer la musique mais au contraire de la montrer sous toutes ses facettes, de l’éclairer parfois, de la prendre à rebrousse-poil à d’autres, de la mettre au défi ou en perspective ailleurs encore… Et c’est bien ce que parviennent à éclairer de manière saisissante les deux cinéastes, l’étreinte fascinante et presque vivante entre musique et danse, la confrontation et la fusion réussie de la musique ancienne qui se conjugue avec la modernité de la danse et des danseuses et danseurs. Le duo Olivia Rochette et Gérard-Jan Claes, attentif et présent à la fois aux gestes mais aussi aux mots, trouve la distance idéale pour nous faire entrer dans ce processus et rendre visible l’invisible. En mettant en lumière ce travail opiniâtre et audacieux, les cinéastes nous montrent que la recherche de cette chorégraphe est théorique sans être abstraite, mathématique en restant sensuelle. Et l’on s’installe avec joie dans ce documentaire qui pourrait durer des heures tant on a de plaisir à être avec elles et eux, à les voir chercher, se tromper, recommencer, douter et confronter leurs ressentis...