Résumé
Récit d'une aventure picturale, celle d'une œuvre réalisée conjointement par le peintre mexicain Alberto Gironella et le belge Pierre Alechinsky autour de la corrida, que la mise en scène s'amuse à rejouer elle aussi pour entrer dans la danse.
Avis
Al Alimon' désigne, dans la tauromachie, une corrida à deux matadors. C’est à cette sorte de duel pictural que le peintre mexicain Alberto Gironella a convié Pierre Alechinsky sur la toile qui, non sans humour on l’imagine, va remplacer la bête. De la scénographie propre à la corrida - entre mouvement et immobilité, centre et circonférence, noir de la mort et rouge du sang - les deux hommes vont faire la matière de leurs toiles, peintes ensemble dans l’énergie d’un travail créatif au sein du même atelier, celui de Gironella au Mexique. Tandis que ce dernier s’empare du centre, Alechinsky construit, lui, la matière environnante dans ses fameuses "remarques marginales". Au milieu de la toile, les traits à l’encre du peintre mexicain font danser le torero au cœur de l’arène, tandis qu’Alechinsky dialogue ou rebondit, encercle ou scénarise les contours, les bords, les gradins de la scène dans douze tableaux, tous construits de la même manière.
Coline Beuvelet s’empare, avec un évident plaisir, de ce jeu entre peintres pour construire à son tour un dialogue entre les œuvres et la tauromachie. En alternance, les images tantôt vives, tantôt ralenties ou presque immobiles d’une corrida viennent répondre aux toiles, à leurs détails, à leurs couleurs. La musique propre au rituel tauromachique glisse des unes aux autres, les liant et les encerclant dans la même émotion. Le montage alerte et découpé tresse ainsi des rimes visuelles et symboliques. Pierre Alechinsky, lui, face caméra, raconte cette expérience. Sa parole est un moment d’écoute et de repos, en plan fixe, qui vient expliciter le travail des deux peintres. Quelques images d’archives montrent Gironella au travail, sorte de contre-champ qui continue à alimenter le duo. Des gestes du torero aux figures de la mort peints par Alechinsky, du duel de l’homme et la bête aux tonalités sombres et menaçantes des toiles, Coline Beuvelet, sur un rythme enlevé, fait entrer ses images dans la danse de ce dialogue multiple, où le rituel discute avec la peinture, et tous deux rebondissent en cinéma.