Résumé
Contacts est une série sur les photographes. Cet épisode est consacré au travail de Christian Boltanski. Ses photos permettent de pénétrer l'univers de l'artiste, un univers marqué par la mort, le temps, la mémoire et l’anonymat.
Avis
Alain Fleischer et Christian Boltanski se connaissent depuis toujours, ou presque. Alain Fleischer a filmé l'artiste dans l’intimité, a réalisé plusieurs films sur lui. Ils ont aussi signé ensemble des courts métrages expérimentaux. Dans le cadre de la série Contacts, le cinéaste livre un film simple, au principe narratif évident, réalisé principalement par banc-titre. Sur l’écran, il fait défiler des visages, des portraits, des instants banals de vie familiale, de moments de bonheur arrachés au continuum du temps. La caméra se balade sur ces images, les saisit dans leur ensemble, se rapproche jusqu’à les dissoudre, s’en éloigne tandis que la voix off de Christian Boltanski raconte son travail, la genèse de ses œuvres comme 'Menschlich' (qui veut dire humain en allemand), une installation murale faite de centaines de photos d’anonymes (Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1998.) Si ce court métrage est passionnant, c’est qu’il réussit à ramener simplement toutes les obsessions de l’artiste dans le faisceau de ses portraits photographiques : la mort, le temps, la mémoire, l’anonymat, la normalité, la trace et le reste, la photographie "qui sauve et tue", l’interrogation sur les codes de la représentation, le travail de l’exposition... Les commentaires de l’artiste éclairent chaque photo en les creusant de ses diverses dimensions, tel un bain révélateur qui leur donnerait son sens et sa profondeur. Ce qui construit une image comme objet du regard, c’est l’intentionnalité qui la montre et la met en lien avec d’autres. Derrière la voix posée de Christian Boltanski, on devine une fenêtre ouverte sur un jardin. Quelques oiseaux babillent et viennent construire l’envers de l’image, celle d’où provient cette voix. La caméra, elle, feuillette ces portraits, tel un album intime de l’artiste. À la manière de l'artiste dans son travail, le film accumule les visages, et par là-même, les sauve, lui aussi, de la nuit de l’oubli. Il répète ainsi le geste artistique en même temps qu’il l’explicite. Le calme de l’artiste, l’omniprésence de sa voix, le procédé cinématographique tout en douceur, ce chant d’oiseaux dans le lointain, tout contribue à construire une intimité que nous partageons. Mais les noirs et blancs granuleux, flous, parfois surexposés, la proximité des visages photographiés, le morcellement des visages décadrés, ces bouts d’humains, nous hantent avec la même force que les fantômes, renouant avec la magie première de la photographie.