Résumé
Le cinéaste Olivier Smolders se confronte à l'univers du peintre Antoine Wiertz. Deux mondes de fantasmes produisent un film à la fois dérangeant et magistral.
Avis
Le film sur l’art est un "mauvais genre" ou du moins un genre difficile. Comment éviter le didactisme d’un livre ou les digressions étrangères à l’artiste. C’est-à-dire l’éternel problème du sujet et de sa perte, de la confrontation du peintre et du cinéaste. Olivier Smolders a un univers fort et singulier. Antoine Wiertz est un savant mélange "de génie et de sottise". Deux mondes de fantasmes qui amènent une rencontre où la transgression de l’un rejoint la folie de l’autre. Wiertz était un peintre, mais aussi un homme qui écrivait, qui vitupérait. Ses tableaux et ses propos sont l’axe du film et nous entrons dans leur gigantisme, leur démence, leur violence : sujets kitsch, lutte contre la peinture en tant que matériau qui trahit, vision tumultueuse du monde. Au macroscopique des toiles et de leur sujet, le cinéaste a opposé le microscopique de la visite guidée faite par et pour des personnes de petite taille : littéralement, des nains et des enfants. À l’univers de Wiertz, il a confronté le sien tout aussi fort : à 'La Belle Rosine' répond une fillette impubère ; aux côtés de la mort des titans, des suicidés, des innocents, des condamnés à mort, il met en parallèle l’égorgement d’un cochon, l’arrachement d’un cœur ou le paradis perdu avec serpent au rendez-vous. Un film dérangeant, d’une violence intelligente qui amène évidemment toutes les questions du cinéma. La première, comment gérer l’adhésion ou le rejet de la personne qui regarde, son inconfort ou sa fascination ? Ensuite, le heurt de deux dramaturgies, la sienne et celle d'Antoine Wiertz. Enfin et surtout, la mise en place de deux cadres - les tableaux et ce qu’il fait du récit des tableaux -, de deux espaces - celui du musée/atelier et le sien, celui d’une fiction approximative -, du noir et de la couleur, du portrait et de l’autoportrait. Entre le peintre et le cinéaste, c’est un bras de fer d’images qui laisse KO et dans lequel le gagnant reste le cinéma.