Un film de Vanessa Fröchen et Natacha Giler (2013, 54′)
Que vaut-il mieux prostituer : son cul ou son âme ? “Le cul bien entendu. C’est plus pénible physiquement, mais c’est plus propre.” Dans les années 1960, Grisélidis Réal quitte Genève pour fuir l’ennui, sans économies ni destination précise. Éperdument éprise de liberté et d’amour, elle va traverser maintes épreuves : la misère, la prison, l’humiliation, la mise sous tutelle de ses enfants, une succession d’échecs amoureux. Loin de se présenter en victime, elle revendique, autant par le militantisme que par la littérature, une vie aussi transgressive que subversive. Toute sa vie elle se prostituera “pour ne pas mourir”. Elle écrira cinq livres.
Le film convoque quantité d’archives visuelles et la personnalité éclatante de cette artiste engagée crève littéralement l’écran. Son militantisme joyeux et tonitruant donne le ton au film. Le témoignage de ses trois fils, notamment de l’aîné Igor Schimeck, pointent les contradictions d’une femme qui, devenue mère malgré elle, a assumé ce rôle avec amour et anticonformisme, comme tout le reste. Yves Pagès, son éditeur, et Jean-Luc Hennig, l’ami de cœur – inspirateur et destinataire d’une volumineuse correspondance – retracent l’épanouissement littéraire de cette rebelle qui n’a jamais mâché ses mots. En 2009, quatre ans après son décès, son corps sera transféré à Genève, “là où sont enterrées les personnes qui ont fait l’histoire de la ville”. L’épitaphe sur sa stèle indique : “Peintre, écrivaine, prostituée”.