Un film de Nicolas Dedecker et Benoît Baudson (2019, 52′)
L’artiste urbain Denis Meyers a trouvé un terrain de jeu à la taille de son ambition : l’ancien siège de la firme Solvay, à Bruxelles, soit une surface de près de 50 000 m² sur huit niveaux. Avant sa destruction programmée, l’artiste a obtenu l’autorisation d’investir le bâtiment dans l’idée d’en faire une œuvre totale et imposante en noir et blanc : une occasion pour lui de se rendre visible et de digérer une douloureuse séparation. Les cinéastes Nicolas Dedecker et Benoît Baudson suivent au plus près toutes les étapes de ce projet fou. Sur place, jours et parfois nuits, Denis Meyer remplit les murs, à la bombe noire. Un entrelacement poétique de dessins et de textes issus de ses carnets intimes qui viennent en épouser les moindres recoins. Du sol au plafond en passant par les fenêtres, les escaliers et les portes, l’artiste déverse les sentiments qui le traversent. Parallèlement, il s’agira aussi de faire venir du monde, d’inviter des célébrités, de faire du bruit afin que tout cela puisse servir non seulement à se “guérir” mais également à pousser sa carrière. Entre œuvre intime et opération marketing réussie, le film se fraye un chemin dans un dédale labyrinthique aussi bien physique que psychique.
Un film de Cordelia Dvoràk (2018, 58′)
“Rouquine, juive, gauchère, étrangère.” Ce portrait croqué en vitesse de Marceline Rozenberg, c’est elle-même qui nous l’offre : Marceline n’a jamais eu besoin des autres pour se définir ou pour trouver sa place dans le monde. Née de parents juifs polonais immigrés en France, rescapée des camps nazis, camarade de déportation de Simone Veil, compagne du cinéaste Joris Ivens, Marceline Rozenberg va devenir Marceline Loridan-Ivens, et rester toute sa vie une femme libre, engagée ainsi qu’une cinéaste passionnée. Car ce n’est pas au départ par l’écriture ou la parole publique qu’elle va rompre le silence sur sa déportation, mais par l’intermédiaire du cinéma, et plus spécialement dans un documentaire de cinéma-vérité signé Jean Rouch et Edgar Morin intitulé ‘Chroniques d’un été’. Si ‘Marceline une femme un siècle’ est, bien entendu, le portrait d’une artiste et d’une témoin majeure du 20e siècle, il est aussi un film sur le cinéma et la survie grâce à cet art. Le récit, agrémenté d’archives filmées exceptionnelles, de photographies inédites et du témoignage de ses proches se nourrit surtout de l’énergie et de la verve de cette femme alors âgée de 90 ans qui n’a rien perdu de son impertinence pour parler d’histoire, de politique ou d’art. Ses films sur l’indépendance algérienne, la lutte pour l’indépendance vietnamienne ou encore de la Révolution culturelle en Chine resteront les témoignages de sa vision du monde et de la liberté. Marceline Loridan-Ivens est morte en 2018.
Un film de Irène Muñoz Martin (2018, 40′)
Avec beaucoup de malice, Irène Muñoz Martin se lance dans une tentative de reconstitution de la lutte des Indignés en 2001 à la Puerta del Sol. Mais elle s’embrouille, les témoignages se contredisent… Et comment donner à voir cet événement politique ? Interpellée par ses comédiens, la voilà qui remet tout son projet en question et part dans les musées confronter les œuvres d’art aux représentations désormais canonisées de l’Histoire.
Un film de Katy Léna Ndiaye (2019, 62′)
Octobre 2014. Ce que personne n’avait rêvé se produit. Les Burkinabés débarquent pacifiquement celui qui se voyait président à vie, Blaise Compaoré. Le rappeur Serge Bambara, dit Smokey, était parmi les insurgés. Il est aujourd’hui considéré come l’un des artisans de ce changement politique. On a le temps pour nous nous plonge dans le quotidien du rappeur iconique.
Un film de Vanessa Fröchen et Natacha Giler (2013, 54′)
Que vaut-il mieux prostituer : son cul ou son âme ? “Le cul bien entendu. C’est plus pénible physiquement, mais c’est plus propre.” Dans les années 1960, Grisélidis Réal quitte Genève pour fuir l’ennui, sans économies ni destination précise. Éperdument éprise de liberté et d’amour, elle va traverser maintes épreuves : la misère, la prison, l’humiliation, la mise sous tutelle de ses enfants, une succession d’échecs amoureux. Loin de se présenter en victime, elle revendique, autant par le militantisme que par la littérature, une vie aussi transgressive que subversive. Toute sa vie elle se prostituera “pour ne pas mourir”. Elle écrira cinq livres.
Le film convoque quantité d’archives visuelles et la personnalité éclatante de cette artiste engagée crève littéralement l’écran. Son militantisme joyeux et tonitruant donne le ton au film. Le témoignage de ses trois fils, notamment de l’aîné Igor Schimeck, pointent les contradictions d’une femme qui, devenue mère malgré elle, a assumé ce rôle avec amour et anticonformisme, comme tout le reste. Yves Pagès, son éditeur, et Jean-Luc Hennig, l’ami de cœur – inspirateur et destinataire d’une volumineuse correspondance – retracent l’épanouissement littéraire de cette rebelle qui n’a jamais mâché ses mots. En 2009, quatre ans après son décès, son corps sera transféré à Genève, “là où sont enterrées les personnes qui ont fait l’histoire de la ville”. L’épitaphe sur sa stèle indique : “Peintre, écrivaine, prostituée”.
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Un film de Régine Abadia (2015, 52′)
Dada nait à Zurich en 1916, en pleine Première guerre mondiale. De jeunes artistes et poètes originaires de toutes les nations belligérantes, réfugiés en Suisse neutre pour échapper à la guerre, poussent un cri de révolte contre les sociétés capables d’engendrer une telle boucherie. Dada devient très vite une explosion créatrice dans tous les domaines de la pensée, un mouvement contestataire qui va essaimer dans le monde entier et qui a révolutionné l’art moderne du XXe siècle. Dada n’a pas vécu très longtemps. Il n’était pas fait pour durer. Il est mort à l’âge de 7 ans en 1923, juste avant d’atteindre l’âge de raison. Le film Viva Dada voyage dans cette époque chaotique. Il raconte l’esprit de ce mouvement et son dégoût de la guerre ; de sa naissance au Cabaret Voltaire à Zurich, à ses plus grandioses manifestations qui eurent lieu en France et en Allemagne, pour arriver à sa presque réincarnation dans un objet : un livre, le Dadaglobe. Cet ouvrage conçu par Tristan Tzara, l’un des fondateurs du mouvement, qui réunit les œuvres et les écrits des dadaïstes du monde entier, devait être édité en 1921. Il le sera finalement en 2016 grâce aux recherches d’une historienne de l’art : Adrianne Sudhalter. L’esprit iconoclaste, destructeur et transgressif de Dada se retrouve dans l’esthétique de ce documentaire qui utilise plusieurs techniques d’animation. Au travers des œuvres, des collages, des dessins, des photographies, des papiers griffonnés et des Ready made, Viva Dada restitue les paroles et les manifestes de quelques dadaïstes qui, un siècle plus tard, sonnent toujours aussi subversifs.
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Un film de Dimitri Petrovic & Maxime Jennes (2019, 66′)
En 2015, le musicien irakien Hussein Rassim a connu le sort violent et chaotique de milliers de migrants. Réfugié depuis en Belgique, il décide de reprendre la route en compagnie de sa compagne enceinte, ici en sens inverse. Juliette, comme lui, est musicienne. À deux, ils forment un duo inhabituel et éclectique, oud et contrebasse, sorte de pont naturel entre l’Orient et l’Occident. Leur voyage est alors l’occasion d’entendre la parole des migrants, des policiers, des habitants et des passeurs. À travers les étapes de ce road movie autobiographique, c’est toute la complexité de la migration en Europe qui se dévoile. Pour eux, un seul laissez-passer : la musique.
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Un film de Anne Reijniers, Nizar Saleh, Paul Shemisi & Rob Jacobs (2018, 63′)
Quatre cinéastes, deux Belges et deux Congolais, se proposent de faire le portrait de Kinshasa, une capitale où les combats pour la libération sont encore bien réels. Comment mettre en lumière les injustices sociales et l’héritage du colonialisme dans cette ville qui entretient une relation d’amour/haine avec la caméra ? En introduisant la performance dans les rues, au plus près des habitants…
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Un film de Guillaume Vandenberghe & Vincent Coen (2017, 61′)
Quand le Printemps arabe se mue en Automne islamiste, Zineb El Rhazoui, militante et journaliste, décide de quitter le Maroc. À Paris, Charlie Hebdo devient sa nouvelle famille, jusqu’au 7 janvier 2015. Absente des bureaux ce jour-là, elle est depuis la femme la mieux protégée de France. Très vite, elle prend publiquement position contre l’islam radical. Mais la naissance de sa fille vient modifier complètement sa vision de l’avenir. De plus, pour ses opposants, rien n’est pardonné.
Un film de Silvano Castano (1997, 52′)
“Comment concilier l’art et la vie ?” demandait Tina Modotti à Edward Weston qui lui fit découvrir la photographie et le Mexique. L’existence agitée, multiple et fracturée de la charismatique photographe est là pour dire qu’elle n’a jamais trouvé la réponse. Mais sa vie et son art, fussent-ils séparés, fascinent. Issue d’un milieu ouvrier dans l’Italie pauvre du début du siècle, elle a, comme son père qui la fait venir aux États-Unis où il avait émigré, les idées à gauche. D’abord couturière, puis mannequin, sa beauté la transformera vite en starlette hollywoodienne. Carrière brève car elle va être emportée par une suite de passions et de rencontres, chaque amour lui ouvrant un pays, un engagement, une vocation. Sa liaison tumultueuse avec le photographe américain Weston sera déterminante. Pendant huit ans, à ses côtés, elle deviendra, l’élève égalant le maître, une des photographes les plus douées des années 1920. Ses photographies d’abord artistiques, jouant sur les lignes et la composition prendront, en gardant la même rigueur de cadre et de regard, une coloration de plus en plus sociale et militante. Elle entre dans le cercle intellectuel et communiste des peintres fresquistes conduit par le muraliste El Coronelazo (David Alfaro Siqueiros). Elle deviendra l’égérie du révolutionnaire cubain Julio Antonio Mella qui mourra assassiné, puis de Vittorio Vidali, agitateur international et stalinien rigide qui la transformera en militante professionnelle du Secours rouge et du Komintern. Photographier lui semble alors du temps dérobé au Parti et à la cause du peuple. Elle jette, comme dira Pablo Neruda, son appareil dans la Moscova et ne sera plus que l’exécutrice des ordres du Kremlin à Moscou ou à Madrid pendant la guerre d’Espagne. Meurtrie par la victoire franquiste, amère et certainement lucide, elle reviendra au Mexique où elle mourra mystérieusement dans un taxi à l’âge de quarante-cinq ans. Le film, conduit par un commentaire très informatif, est construit sur des documents d’archives et des extraits de films. Il donne aussi la parole à quelques témoins ou analystes de la vie de Tina Modotti. La biographie y tient sans doute malheureusement plus de place que la photographie, mais sa vie a été si romanesque que le cinéaste n’a pu que se laisser emporter.